L’excellence française dans la recherche

Le siècle aura beau lui préférer d’autres modes d’expressions plastiques : La vérité en science n’est pas tant une révélation qu’un chemin. Cette voie qu’arpente le scientifique et le long de laquelle il glane le fruit de ses recherches n’est pas un itinéraire préétabli, chaque avancée n’est qu’une étape vers une autre étape dans l’approfondissement de son champ. Un chercheur, comme son nom l’indique, n’a de cesse que sa quête se poursuive. Aussi, ces hommes et femmes voués à la recherche, dussent-ils avoir fait une géniale découverte, ne sauraient-ils se contenter de lauriers qui couronneront d’autres succès que les leurs après eux. Or se souvient le co-fondateur du Laboratoire de physique théorique à l’École normale, Jean Iliopoulos, avant que l’Institut de Physique théorique Philippe Meyer soit créé par Vincent Meyer, à la mémoire de son père, ancien directeur de thèse du physicien grec : « Il n’existait pas en France de bourses de recherches postdoctorales à proprement parler. Et c’était le souhait profond de Philippe Meyer qu’il y ait un pôle d’excellence français. » Car si la formation était bonne en France, l’attractivité n’était pas au rendez-vous pour accueillir des jeunes scientifiques étrangers désireux de faire de la recherche au pays de Pierre et Marie Curie.

La recherche postdoctorale, à peine financée par l’État, ne l’était pas plus par le secteur privé. En France, le mécénat, fréquent dans le domaine des arts, était totalement absent dans celui des sciences pures – les mathématiques, ou la physique. Le véritable mécénat scientifique, « de l’argent pour la recherche et uniquement pour la recherche, et non pas dans l’attente d’un retour sur investissement comme c’est le cas des sciences appliquées soutenues par l’industrie », ne s’inscrivait pas dans la tradition hexagonale. En 2011 naît la première fondation partenariale scientifique. Ce partenariat entre un organisme public et une fondation privée, en l’espèce l’École normale supérieure et la Fondation Meyer, allait, selon le vœux du défunt mécène éponyme de l’institut de Physique théorique, « créer les conditions pour qu’un jeune très doué puisse devenir autonome afin de se consacrer pleinement à ses recherches », à l’instar du système américain où les postes postdoctoraux sont monnaie courante. Jean Iliopoulos rappelle comment se déroule le parcours d’un chercheur : « Dans la première étape on pose à l’étudiant un problème qu’il doit résoudre, et dont nous, les enseignants, connaissons la réponse ; s’il la trouve il obtient son diplôme. Pour sa thèse on pose de nouveau au doctorant un problème, mais cette fois nous non plus ne connaissons pas la réponse. S’il la trouve, il obtient sa thèse. Pour la partie postdoctorale, quasi-inconnue en France avant 2011, le chercheur démontrera qu’il est capable de formuler lui-même un problème qu’il devra résoudre. » Dans la plupart de cas en France, un jeune chercheur après sa thèse qui reçoit une bourse postdoctorale est obligé de travailler dans un programme scientifique fixe. Il n’a pas la liberté de choisir lui-même ses problèmes. Une manière d’obligation de résultat susceptible d’entraver la spéculation créative du chercheur et qui contredit l’esprit même de la recherche.

Et le membre de l’Académie des sciences spécialiste de la physique des particules d’expliquer l’idée originelle de Philippe Meyer : « Avec cette dotation non seulement le chercheur pourrait désormais vivre (se loger à Paris, etc.), mais une liberté totale lui était garantie dans son travail : il n’avait pas besoin d’en produire une quelconque preuve. » Jean Ilioupolos précise que, de toutes façons, il est dans l’intérêt du boursier de publier afin de rendre visibles ses efforts d’investigation et promouvoir ses thèses. Depuis la mise en place des chaires postdoctorale au sein de l’Institut de Physique théorique Philippe Meyer, avec deux candidats sélectionnés chaque année, ce sont une vingtaine de physiciens qui ont pu bénéficier d’un vrai mécénat scientifique. La plupart, comme le souligne Jean Ilioupolos, sont devenus d’éminents physiciens « de renommée internationale », et tous, par leur truchement et chacun à sa manière, ont contribué à faire rayonner la France comme pays de l’excellence scientifique.

Sean Rose